1915 : le Désarmement des places fortes.
Après la chute du fort de Manonviller et des places belges, juste au début de la guerre,
le commandant français a perdu confiance en ses forts modernisés à cause de la crise de l’obus torpille.
En outre, le manque de munitions, de pièces d’artillerie et d’hommes sur le front
en 1915 va entraîner le déclassement des places fortes le 05 août 1915.
Grâce à ce déclassement, il sera possible d’améliorer la défense du front, en particulier pour l’offensive de la Somme. Jusqu’à la fin de l’année 1915, toutes les places fortes ont été abandonnées,
et la frontière du nord-Est de la France, qui était protégée par ces fortifications, a été découverte. En outre, en cas d’attaque de l’ennemi sur ces défenses entre Verdun et Belfort,
Il est prévu de démanteler toutes les parties stratégiques des ouvrages pour les rendre inutilisables par l’ennemi et faciliter leur reprise par les alliés. Ce désarmement est facilement repérable par voie aérienne par les Allemands.
À la fin de l’année 1915, ils envisagent une nouvelle percée sur Belfort ou Verdun pour user l’armée française et percer le front qui est resté statique.
L’état-major allemand, sous la direction du général Von Falkenhayn, est poussé à réaliser une percée à Verdun le 21 février 1916 en raison du désarmement des places fortes. Depuis le début de la guerre, ce camp retranché,
en grande partie désarmé, à proximité des premières lignes, pose des problèmes aux Allemands pour ravitailler le front de la Champagne. Si sa chute se produit, l’armée française pourra utiliser Verdun,
la dernière ville évacuée par les Allemands en 1973, car c’est un symbole national auquel l’état-major français tient beaucoup.
En outre, elle rencontre de sérieux problèmes de ravitaillement car aucune voie de communication importante ne la relie à l’arrière depuis la formation du saillant de Saint-Mihiel.Pour écraser Verdun,
les Allemands vont employer la méthode du Trommelfeuer,
une préparation d’artillerie connue sous le nom de roulement de tambour. Ils vont employer 1225 pièces d’artillerie au nord de la place forte, y compris 542 obusiers de gros calibre.
Un obusier de 210 mm est déployé chaque 150 mètres par les Allemands. Ils ont également utilisé 17 obusiers de 305 mm,13 obusiers de 420 mm et 2 pièces de marine de 380 mm,
qui ont connu jusqu’à présent de grandes réussites sur les fortifications.
Pendant 2 jours, toute cette artillerie va tirer environ 2 000 000 d’obus, puis envoyer 60 000 hommes d’infanterie à l’attaque. Le bombardement est si intense qu’il peut être entendu jusqu’aux Vosges,
à une distance de 150 km. Dès les premiers jours du 25 février 1916, le fort de Douaumont sera en ruines, car sa garnison sans soutien était livrée à elle-même.
Au fort de Vaux, la situation n’est pas meilleure. La garnison a reçu l’instruction de faire sauter le fort avant de l’évacuer, mais le bombardement anéantira le magasin où les explosifs sont placés.
Le choc causé par un obus de gros calibre provoquera l’explosion accidentelle de la tourelle de 75R05, déclenchant ainsi la mise à feu de la charge de destruction.
Le fort sera handicapé quelques mois plus tard en raison de cet incident et du désarmement.
Bien que les Allemands aient une grande force de frappe, ils sont ralentis par des soldats isolés qui maintiennent solidement leur position dans le secteur pourtant bouleversé par lebombardement.
En mars 1916, c’est le Général Pétain qui prendra en charge la direction de cette bataille.
La première étape consistera à réarmer les différentes fortifications dès que la situation le permettra. en y incluant leur garnison.
Elles nécessitent l’armement et les munitions dont elles ont besoin,
car leurs fortifications deviennent de précieux points d’appui lorsqu’elles sont correctement employées. Afin de ravitailler Verdun, le Meusien, une voie ferrée de 1 mètre de large,
était utilisé pour transporter un faible rendement de 400 tonnes par jour. Après des travaux majeurs, cette voie pourra approvisionner jusqu’à 1200 tonnes par jour. Cependant,
elle était la seule à ne pas permettre le ravitaillement du front. Il fallut élargir l’unique route de ravitaillement Bar-le-Duc à Verdun à 7 mètres de largeur qui sera appelée
la voie sacrée où plus de 3500 à 4000 camions circuleront chaque jour, transportant près de 2600 tonnes de matériel et près de 13000 hommes. Il est important de se souvenir que les routes les plus fréquentées de France,
aux alentours de Paris, voient passer quotidiennement entre 400 et 500 véhicules. La circulation intense a nécessité un entretien considérable sur une route de près de 50 km,
où il était estimé qu’il y avait un cantonnier par mètre de route.
En 1916, on extrait pour l’entretien des routes de l’armée plus d’un million de tonnes de matériaux dans la région soit une moyenne de 3500 tonnes par jour qui étaient transportées par 7 trains de 500 tonnes.
Cependant, il a fallu beaucoup de temps pour mettre en place ces mesures. Certains ouvrages nécessiteront parfois plusieurs mois pour être réapprovisionnés.
L’ouvrage de Thiaumont restera en permanence sur la ligne de front et ne sera jamais réarmé.
Il sera pris et repris à maintes reprises, et il sera complètement anéanti par les bombardements. Depuis le début de la bataille, le fort de Vaux est fortement handicapé et ne pourra pas être réarmé.
À la fin de mai 1916, les casemates de Bourges sont inutilisées à cause des violents combats qui éclatent pour prendre le fort. Ils se dérouleront jusqu’à l’intérieur de l’ouvrage, au corps à corps.
La garnison, sous les ordres du Commandant Raynal, assoiffée, se rendra par obligation le 7 juin 1916, car les citernes en béton de l’ouvrage s’étaient fissurées et vidées de leur eau potable sous la pression du bombardement.
Les autres ouvrages attaqués par l’artillerie ennemie, comme les forts de Vacherauville, Moulainville, la Laufée, Tavannes, Bois-Bourrus, Marre, Belle-Epine et Charny vont faire preuve d’une défense exceptionnelle en prenant à partie l’ennemi pendant toute la bataille dans des conditions très difficiles. L’ouvrage de Froideterre arrêtera les Allemands qui avaient réussi à s’installer au sommet du fort. Il stoppera la progression allemande le 23 juin 1916 en utilisant sa tourelle d’artillerie. Au fort de Souville, malgré son manque de modernisation et sa destruction totale, les quelques hommes qui assurent la défense à la mitrailleuse empêcheront la dernière avancée extrême allemande le 12 juillet 1916.
Dès juillet 1916, les Alliés lancent une nouvelle attaque sur la Somme. Les Russes avancent vers le front oriental et les Italiens avancent vers le front autrichien.
Les troupes allemandes commencent à se retirer de Verdun,
ce qui va changer le cours de cette bataille. Après septembre 1916, un grand nombre d’ouvrages du nord de la place soutiendront, avec leur artillerie,
les différentes troupes alliées lors des grandes offensives qui mettront fin à la bataille le 19 décembre 1916 où le front sera éloigné de près de 3 km en avant du fort de Douaumont.
Jusqu’à la fin octobre 1917, l’artillerie ennemie continuera de viser certaines fortifications, comme Douaumont ou Vacherauville.
Même si ces ouvrages ont tenu bon, ils ont été constamment visés par l’artillerie allemande, ce qui a rendu la vie impossible à l’intérieur.
Les obus de gros calibre peuvent percer ou fissurer la couche de béton épaisse. En outre, l’arrivée des obus à gaz n’a pas résolu le problème.
Les tourelles d’artillerie en acier, développées après 1885, seront en mesure de résister au déluge de feu et d’être d’une grande utilité pendant toute la bataille.
Cela s’appliquera aux forts de Vacherauville, Moulainville, Marre, ainsi qu’aux ouvrages de la Laufée et de Froideterre.
Afin d’améliorer les conditions de vie des soldats et la protection du fort,
La gestion des ouvrages sera assurée par le service des forts récemment établi, qui effectuera d’importants travaux d’enfouissement par galeries profondes et de dispersion des moyens de défense jusqu’au milieu de l’année 1918.
Ces travaux seront appelés travaux de 17.
En décembre 1916, à la fin de la bataille, le front est revenu à peu près là où il était en janvier de la même année. Quelques chiffres qui témoignent de l’importance considérable de la bataille de Verdun :
Selon nos sources récupérées aux archives militaires de Vincennes, cette bataille, née du déclassement des places fortes, a entraîné la perte moyenne de 2200 hommes par jour pour la France.
D’après des chiffres non officiels, la France a subi une perte totale de 378 000 hommes (62 000 tués, plus de 101 000 disparus). Environ 215 000 blessés, dont la plupart sont invalides, et près de 337 000 hommes du côté allemand.
La quasi-totalité des victimes se trouveront dans les tranchées. L’armée française utilisera près de 1200 pièces d’artillerie qui tirer ont pendant les 7 premiers mois de la bataille près de 23 millions de projectiles,
dont 16 millions d’obus de 75 correspondants à plus de 100.000 projectiles par jour. Durant les jours d’attaque, ce chiffre a plus que triplé, comme le 24 octobre 1916, lors de la reprise du fort de Douaumont. Cette journée,
il a été tiré sur un front d’environ 8 km.
240 000 tirs de canon, y compris 145.000 tirs de 75, ce qui équivaut à 130 kg d’obus de campagne et 520 kg d’obus de gros calibre par mètre de front.
La masse par mètre courant est de 650 kg. Pour cette seule journée, pour un front de 8 km, l’approvisionnement du front est prévu. Plus de 5000 tonnes d’obus ont été déchargées, ce qui équivaut à 250 wagons de 20 tonnes.
Il est indispensable d’ajouter la fourniture de fils de fer barbelés, de fascines, de bois pour abri, de rails, de tôle, de caillebotis, etc. Le nombre de wagons de matériel par km de front d’attaque est d’environ 7 à 800, ce qui équivaut à près d’un wagon par mètre courant.
Quelle est la situation des fortifications Séré de Rivières à la fin de la bataille ou de la Grande Guerre ?
Montré l’importance des fortifications pendant la bataille de Verdun, mais on l’oublie souvent lorsqu’on parle de cette bataille. Grâce à leur artillerie blindée,
ces ouvrages ont été très utiles en protégeant les soldats malgré des conditions très difficiles.
Elles ont également contraint l’état-major allemand à déployer d’importants moyens humains, matériels et financiers pour essayer de faire taire ces fortifications.
Par exemple, le fort de Moulainville, qui ne sera pas pris par l’ennemi,
sera visé par 9500 obus jusqu’au 31 octobre 1917 (330 obus de 420 mm / 770 obus de 305 mm de 280mm ou de 210 mm allongé / 4700 obus de 210mm de 150mm ou de 130 mm / 2600 obus de 105 mm / 1100 obus de petit calibre ou d’obus à gaz).
Le nombre de coups tirés par les tourelles du fort de Moulainville sur l’ennemi est le suivant :Tourelle de 155R07 environ 5800 coups / tourelle de 75R05 environ 11800 coups.
On estime que le fort de Moulainville en 1914 a été construit et modernisé pour un coût de 3 650 000 francs d’époque. Environ 5 000 000 francs d’époque ont été dépensés par l’ennemi pour tirer des obus sur le fort de Moulainville à la fin de l’année 1917.
Le comportement des fortifications Séré de Rivières de la place forte de Verdun pendant la bataille, va faire reprendre confiance à l’état-major Français qui ne croyait plus à ce type de défense depuis la crise de l’obus torpille.
Dès le milieu 1916, cette confiance se manifeste, avec la réorganisation et l’approvisionnement en munitions de la plupart des ouvrages des places fortes de Toul, Epinal et Belfort pour éviter toute nouvelle surprise.
Pendant l’entre-deux-guerres, c’est surtout un député meusien, André Maginot, qui a fait voter d’importants crédits pour un nouveau système de défense fortifié appelé la ligne Maginot.
N’oublions pas que le coût d’une journée de guerre à la nation pendant la Grande Guerre est aussi élevé que le coût de la construction et de la modernisation de la place forte de Verdun sur une période de 40 ans.